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L’argent de votre société est-il le vôtre ?

17/07/2024 - Publié par : FiduPress < Retour L’argent de votre société est-il le vôtre ?

Distinguer l’argent de votre société et votre argent personnel n’est pas toujours aisé. Si une partie des transferts d’argent entre votre société et vous est encadrée, certains flux d’argent ne le sont pas. En agissant sans précaution et sans frontière claire entre « pro » et « privé », vous accumulez des dettes. Ces dettes, dans le jargon, sont appelées des « comptes courants ». Je vous explique comment dépatouiller tout ça. Quels sont les risques de l’existence de tels dettes ?  Quels intérêts avez-vous à les identifier, les comprendre et surtout les solder ?

Mais oui. Vous le savez. Si je vous pose la question, bien-sûr que vous allez me dire « Of course, l’argent de ma société n’est pas le mien ». Indéniablement.

Oui, mais dans l’absolu, votre société c’est aussi votre bébé. Ses comptes, vos comptes, parfois la frontière est floue.

Parce que vous financez une partie de votre train de vie via votre société. Parce que vous renflouez ses caisses quand elle est en difficulté. La confusion est grande, les zones d’ombres s’accumulent. Mais leur existence même est risquée. Les flux d’argent qui ne sont pas cadrés entraînent une dette … Dette qui peut s’avérer abyssale et destructrice.

Alors que répond-on à la question : l’argent de la société est-il le vôtre ?

NON, L’ARGENT DE LA SOCIÉTÉ N’EST PAS LE VÔTRE

Votre société est votre enfant.  Mais comme votre enfant, elle ne vous appartient pas. Comme votre enfant, vous en avez la responsabilité. Comme votre enfant, elle peut vivre sans vous.

Ça fait mal de l’admettre, mais c’est ainsi. L’argent de votre société appartient à votre société. C’est une entité légale propre, qui a ses propres intérêts, ses propres comptes et son propre portefeuille.

DES DOCUMENTS POUR CADRER LES TRANSFERTS

Alors oui, l’argent de votre société circule. C’est un fait. Les transferts existent entre la société et ses dirigeants. Des règles assez strictes encadrent ces transferts. Tout flux entre la société et vous, entrant ou sortant, doit être établi dans des contrats, des fiches de paies, des documents sur les dividendes …

Mais les contours de ces accords passés entre votre société et vous sont à géométrie variable. Des besoins d’argent immédiats peuvent apparaître dans un sens ou dans l’autre. Et sortir du cadre. C’est-à-dire ne pas correspondre à ce qui a été convenu au départ entre votre société et vous.

Dans ce cas, des dettes, qui se matérialisent par des comptes courants, apparaissent entre votre société et vous. Que disent ces comptes courants de votre argent et de celui de votre société ?

L’ARGENT DE VOTRE SOCIÉTÉ DOIT ÊTRE UTILISÉ À BON ESCIENT

La règle, la base : « chaque euro retiré doit être justifié ». Inspirez-vous de ces séries politiques des pays nordiques, où les ministres peuvent tomber pour une mauvaise utilisation de leur carte de crédit professionnelle.

Une dépense avec l’argent de la société doit être validée par une facture ou un justificatif au nom de la société. Mais imaginons que ce ne soit pas le cas. Que « tous les matins il achetait son p’tit pain au chocolat, la la la laaaa » avec sa carte de la société. Qui dit « petit-déjeuner » dit « dépense privée ». Qui dit « petit pain au chocolat » dit « 2€, chaque matin ».

Sur 20 jours de travail, à la fin du mois, vous avez une dette de 40€ vis-à-vis de votre société. Si, si. Comment justifier ce petit pain au chocolat au niveau comptable ? Et n’allez pas m’inventer des excuses. Le petit pain au chocolat du matin n’est pas pour votre société (pas comme un déjeuner d’affaire, par exemple).

DONC 40€ de dette envers votre société. Se crée alors un compte courant entre votre société et vous. 

Ça c’est pour la Belgique. En France, c’est vite réglé. Il est interdit de devoir de l’argent à sa société. C’est de l’abus de biens sociaux. Les conséquences : très grosses amendes et prison ! Vérifiez dans votre pays.

LE PRINCIPE DE BASE DU COMPTE COURANT EN FAVEUR DE VOTRE SOCIÉTÉ

Vous êtes tenu de rembourser à tout moment ce compte courant. C’est si simple ? Ben oui. Évidemment, une dette de 40€ ne sera pas insurmontable à rembourser. Mais que se passe-t-il quand les achats récurrents dépassent largement le cadre du petit déjeuner ?

Boom, 150€ de courses. Boom, l’entretien de la voiture de madame. Boom, les vacances en Grèce. Boom, une nouvelle télévision. La carte bancaire de votre société a chauffé. Avouez, c’est une ressource assez incroyable. Mais vous creusez votre dette, là, sans vous en rendre compte. 

Et plus vous tardez à vous rendre compte de ce souci, plus votre dette deviendra difficilement remboursable. Comme mon client, qu’on appellera Thierry :

PAS DE PORSCHE POUR LE CHIRURGIEN

Thierry est chirurgien. Il a constitué une société. Bien sûr, il utilise la carte de la boite pour tous ses achats privés. Au bout de 3 ans, il a une dette envers sa société de 100.000€ … sans en avoir conscience.

Il faut le comprendre : Thierry, comme de nombreux clients de profession libérale, n’est pas très porté sur l’administratif. De son aveu propre, « ça le soule ». Il signe donc ses documents comptables à l’aveugle. Il a d’autres chats à fouetter …

Tout va bien jusqu’au jour où le banquier refuse de financer sa nouvelle Porsche Cayenne. La raison, on peut s’en douter, est simple : «  Vos comptes sont dans le rouge. Vous avez une dette monstrueuse envers votre société. J’ai reçu un refus catégorique pour vous financer. »

Douche froide. Incompréhension totale. Bon, on est d’accord, ça l’a juste empêché d’acheter sa voiture, il n’y a pas mort d’homme. Mais c’est quand même contrariant. Et dans certains cas, les conséquences sont plus graves. Il vaut donc mieux avoir conscience de l’existence de ce compte courant et des risques qu’ils entraînent.

LES RISQUES D’UN COMPTE COURANT ENVERS VOTRE SOCIÉTÉ

⛔️  La banque vous refuse un prêt, comme pour notre chirurgien.

⛔️  La dette cumule des intérêts. En moyenne, en Belgique, les intérêts sont de 10% par an. Donc sur une dette de 100.000€, cela fait 10.000€ d’intérêts par an qui s’ajoutent à la dette initiale.

⛔️  La vente de votre société se fait dans la douleur. L’acheteur vous demandera bien évidemment le remboursement immédiat de ce que vous devez à la société. Sauf si vous avez prévu un plan d’apurement (une convention de prêt, ahhh mot barbare) au moment de la vente pour étaler le remboursement de votre dette. Idéalement, vous avez tout remboursé avant de mettre en vente votre société.

⛔️  La faillite de votre société se fait aussi dans la douleur. Le curateur vous demandera le remboursement immédiat des dettes que vous avez envers elle pour rembourser en priorité l’état, puis vos fournisseurs, vos employés…

⛔️  Vos héritiers doivent rembourser vos dettes en cas de décès. En effet, si les dettes n’ont pas été nettoyées, elles tombent dans la succession. En fonction du montant des dettes, les héritiers doivent bien réfléchir à accepter ou non la succession. Quant au dirigeant, il est important d’avoir conscience de ces dettes et de la nécessité de les régler s’il ne veut pas faire un cadeau funeste empoisonné à ses héritiers.

ASCTUCE 1

Passez de nouveaux accords avec votre société :

✅  Pour rectifier votre compte courant – votre dette -, établissez une convention de prêt, aussi appelée « plan d’apurement »

✅  Pour éviter de prendre dans la caisse et donc d’augmenter vos dettes, augmentez votre rémunération ou distribuez des dividendes

Plusieurs solutions sont possibles, renseignez-vous auprès de votre conseiller financier ou de votre avocat.

DONC

Dans le cas d’un transfert d’argent de la société dans votre poche, à la question : « l’argent de la société est-il le vôtre ? », la réponse est NON. Et vous devrez le rembourser.

Mais, y-a-t-il des conditions qui feraient que l’argent de la société resterait le vôtre ?

OUI, L’ARGENT DE LA SOCIÉTÉ EST LE VÔTRE

Pour de nombreuses raisons, vous avez l’habitude de renflouer les caisses de votre société avec votre argent personnel. Une activité déficitaire, refus de financement bancaire, manque de trésorerie … Vous jouez le banquier en prêtant à votre société les sommes d’argent nécessaires.

A chaque fois que vous injectez de l’argent via votre compte privé, votre société s’endette d’autant envers vous. Il se crée un compte courant en défaveur de votre société et en votre faveur.

QUEL EST LE RISQUE POUR VOTRE SOCIÉTÉ ? 

?  Une perte de valeur à chaque fois que vous lui injectez de l’argent.

?  Un double passage à la caisse pour l’acheteur en cas de vente de votre société : par exemple, 1 fois 100.000€ pour l’achat de la société avec son argent propre. 1 deuxième fois pour rembourser ce qui vous est dû en tant qu’ancien actionnaire avec l’argent de la société qui est désormais la sienne.

?  Une taxation plus élevée en cas de décès. En effet, si la société a des dettes envers la personne décédée, cette somme vient s’ajouter à sa succession. Donc là, vous vous dites « banco ! ». Oui, mais non, car si la somme est importante, les héritiers seront taxés sur cette somme alors qu’elle n’est peut-être pas encore en leur possession. Pourquoi ? Eh bien parce qu’il faut que la société ait les moyens de leur verser la somme.

ASCTUCE 2

Pour débloquer la situation, vous pouvez convenir d’un abandon de créance au profit de la société dans certaines conditions (à voir avec votre conseiller financier et/ou votre avocat). C’est-à-dire que vous pouvez décider de ne pas demander à être remboursé.

DONC

Dans le cas de transfert d’argent de votre poche à la société, à la question : « l’argent de la société est-il toujours le vôtre ? », la réponse est OUI. Et la société devra vous le rembourser.

ET VOTRE ASSOCIÉ ? A-T-IL DES DETTES ENVERS VOTRE SOCIÉTÉ ? OU INVERSEMENT ?

Vous l’avez compris, confondre l’argent de votre boîte et le vôtre n’est pas anodin. Les conséquences peuvent être importantes. Mais du coup, votre associé, il se comporte comment ? Existent-ils des dettes entre votre société commune et lui ? Y-a-t-il des cadavres dans le placard ? Ça vaut le coup de vérifier.

Posez-vous les bonnes questions :

❓  Existe-t-il un ou plusieurs comptes courants / dettes entre mon associé et notre société ?

❓  Dans quel sens ? en faveur de la société ou en sa faveur ?

❓  Qui doit de l’argent à qui ? Depuis quand ? Pourquoi ?

❓  Quel est le taux d’intérêt qui s’applique ?

Quand on est actionnaire, il est important d’identifier ces dettes, ces comptes courants, pour savoir : 

?  si votre société se porte réellement bien ou pas ?

?  si ce n’est pas le cas, pourquoi ?

?  si votre associé a un comportement anormal à ce niveau ?

Il est également important d’identifier l’existence de telles dettes lors d’un achat ou de vente d’une société.

EN BREF

L’ARGENT DE LA SOCIÉTÉ EST-IL LE VÔTRE ?

CAS 1 – NON

De base, l’argent de la société n’est pas le vôtre. Il appartient à la société et doit être dépensé de manière utile et justifiée. Toute dépense personnelle de l’argent de la société cumule une dette.  C’est un compte courant en faveur de votre société.

Attention en France, ces comptes courants n’existent pas. Emprunter de l’argent à sa société est un abus de biens sociaux.

Vous êtes tenu de rembourser cette dette à tout moment à votre société.

CAS 2 – OUI

Si vous injectez de l’argent dans la société, cet argent reste le vôtre et la société a une dette envers vous. Ce compte courant, en votre faveur, devra être remboursé par la société.

Auteur : Franck Debue (Avocat)

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